Suisse : les fournisseurs d’accès temporairement blanchis dans une affaire ‘J’accuse’

de | mai 20, 2003

Dans une décision du 2 avril 2003, une juridiction suisse a rejeté les demandes adressées à des fournisseurs d’accès tendant à filtrer l’accès à certains sites. Le juge invite néanmoins ces derniers à rester attentifs.

suisse[1]

Le Tribunal d’accusation du Canton de Vaud a annulé, le 2 avril 2003, les ordonnances d’un juge d’instruction Suisse enjoignant à des fournisseurs d’accès de prendre les mesures permettant d’empêcher à leurs clients d’accéder à un site internet. Cette affaire rejoint la solution adoptée le 30 octobre 2001 par le Tribunal de grande instance de Paris dans le procès J’accuse.

Au cours de l’été 2001, le collectif « Appel au peuple suisse » ouvre un site internet critiquant de nombreuses affaires judiciaires se déroulant sur le territoire helvétique. Le 18 septembre 2001, une première ordonnance de séquestre ordonne à l’hébergeur de supprimer des documents attentatoires à l’honneur. Le responsable du site poursuit ses activités, en changeant par deux fois de prestataires techniques, faisant héberger en définitive son site par Geocitiesaux Etats-Unis.

Estimant les propos notamment diffamatoires et injurieux, plusieurs avocats ont déposé des plaintes pénales. Par une ordonnance du 11 décembre 2002, un juge d’instruction du Canton de Vaud ordonna aux différents fournisseurs d’accès « de créer des règles dans le serveur proxy mis à disposition des utilisateurs de façon à interdire l’accès aux sites contestés, sous-répertoires inclus, et modifier leurs serveurs DNS de façon que le nom du domaine aboutisse sur une page vide ». Plusieurs prestataires décidèrent de faire appel de cette décision.

Dans un arrêt du 2 avril 2003, le Tribunal d’accusation accueille la demande des prestataires. Il se fonde sur l’article 58 du Code pénal suisse qui permet au juge de prononcer la confiscation d’objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction. Pour les juges, cette disposition sur laquelle s’est fondée le juge d’instruction, ne permet pas de prononcer une interception de télécommunications et des mesures de blocage ou de suppression. Le tribunal estime en effet « qu’il n’y a en l’occurrence aucun objet, au sens de la disposition précitée, susceptible de confiscation ».

Néanmoins, le juge invite les fournisseurs d’accès à être attentifs. En effet, il se réfère à une décision du 17 février 1995 du Tribunal fédéral suisse qui avait condamné pour complicité de pornographie et de publications obscènes un opérateur technique qui avait connaissance des activités illicites sur des supports télématiques. Transposé au cas présent, le tribunal relève que « lesdits fournisseurs, sachant que les sites contiennent des propos diffamatoires, calomnieux et injurieux, qui laissent le public en prendre connaissance en y permettant l’accès, pourraient se rendre complices des infractions en cause« .

En conséquence, le tribunal a demandé au juge d’instruction d’inviter les fournisseurs d’accès à être « attentifs au fait que les deux sites en question ont un contenu qui pourrait être constitutif d’infractions pénales et qu’en laissant libre l’accès de ces sites au public, il s’exposent à voir l’enquête dirigée contre eux en qualité de complice desdites infractions« .

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